Bernard Lavilliers

Bernard Lavilliers - Utopia lyrics

UTOPIA

Je chanterai le nouveau monde

Né de la zone et de l'ordure

En ces temps-là vos belles actions

Passaient toujours par l'écriture

Vous vous gaviez de projections

De projets sérieux, de futur

Pendant que l'ordre et la répression

Vous alignaient contre un mur

Vous ronronniez pour le vieux monde

Dans l'opposition objective

Respectant la règle et la ronde

Dans vos manchettes maladives

Ça sentait le médicament

La frustration et le soumis

Ça puait déjà l'électron

Le temps qui passe à crédit

Des technocrates maigrichons

Vous prédisaient des jours meilleurs

Des aurores de l'expansion

A la sournoise nuit des chômeurs

Vous faisiez du lard aux ceintures

Les pancartes au bout des bras mous

Faisaient des cercles dans l'ordure

Ou vous vous traîniez à genoux

Les barbares, qui montraient leurs crocs

Aux barrières des périphériques

Ricanaient, remplaçant vos mots

Par des cris de guerriers celtiques

Vous en aviez froid dans le dos

Bien qu'expliquant ce phénomène

Vous essayiez de rentrer tôt

Détestant les milices urbaines

Vous nous regardiez en ces temps

Inventer une autres musique

Faite de violence et de sang

D'ignorance et de prophétique

Votre raison vous pesait lourd

Dans vos masochistes partouzes

Dans vos dérisoires amours

Votre révolte et vos ventouses

La petite gauche vivotait

Frileuse comme une alouette

Vos bars, vos fêtes, vos congrès

Vos chanteurs, vos peintres, vos poètes

Votre raison, votre droiture

Vos illusions, vos habitudes

Vos soumissions, votre culture

Vos ambitions, vos certitudes

Cette lucidité bidon

Qui remplaçait si bien les tripes

Était sinistre et sans passion

Et militante et castratrice

Elle vous bloquait le creux des reins

Comme un calcul diabétique

Elle vous laissait sur votre faim

De bien nourris et d'asthmatiques

Nous rêvons d'une autre planète

En ce futur, t'en souviens-tu?

Nous tirons des plans à facettes

Vers des comètes disparues

Nous installons nos mines d'or

Sur des podiums itinérants

Ou nous jouons toujours très fort

De la guitare, et du vent

Nous pressentons une cassure

Une crevasse nette et sanglante

Une balafre dans l'azur

Un cran d'arrêt dans le silence

Une fissure dans le certain

Une embolie dans la finance

Un détonateur dans la main

Un embarras dans la nuance

Nous vivons au ras des pavés

N'ayant jamais connu la plage

Et jamais le roi des étés

Ne s'est inscrit au paysage

Nous avons la haine au profond

Une haine fondamentale

De la hiérarchie et des cons

Du quotidien et du fatal

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